« Ah ouin ! Cool ça. Des projets ? Tu pars combien de temps ? »
« Ah, juste quelques jours. Écoute, c’est la première fois que je prends des vacances en six ans ! »
Six ans ?
What the f*ck ?
J’en croyais pas mes oreilles. Un autre entrepreneur que je devais rencontrer dans le cadre d’un projet me lâchait cette bombe, de façon désinvolte et avec un brin de fierté : pas de vacances depuis 6 ans.
Comme si cette absence de repos et de congé bien mérité dans les six dernières années était supposée être synonyme d’un entrepreneur dévoué, travaillant corps et âme pour la croissance de son organisation.
Mais alors que les revenus grimpent, la fatigue grimpe aussi. Puis un jour, ce n’est pas le gouffre financier que l’on rencontre, mais un gouffre personnel sombre et profond : le burn-out.
Mais alors que les revenus grimpent, la fatigue grimpe aussi. Puis un jour, ce n’est pas le gouffre financier que l’on rencontre, mais un gouffre personnel sombre et profond : le burn-out.
Pour un jeune entrepreneur comme moi, j’avoue qu’il a été difficile de quitter le bureau en sachant que je n’y reviendrais pas avant une semaine.
Syndrome de la micro-gestion ou simplement d’une passion sans bornes pour ma job, j’ai brièvement compris ce que ressentent chaque année des milliers de québécois qui ont de la difficulté à faire passer une semaine de congé par-dessus une semaine de croissance.
On a le beau jeu chez Rum&Code : je suis associé à deux autres entrepreneurs et nous avons 8 employés dévoués qui pouvaient maintenir notre croissance effervescente tandis que je me la coulais douce.
Pourtant, quand je repense à l’entrepreneur du début, il me semble inconcevable (et avouons-le, un peu tata) de ne pas prendre du repos en six ans. Lundi, alors que je revenais au bureau, non seulement étais-je physiquement reposé, mais j’étais aussi psychologiquement prêt à reprendre ce marathon.
Oui, un marathon. Je le dis, je le répète dans à peu près chacun de mes blogues, l’entrepreneuriat n’est pas un sprint ; c’est une course longue-distance où le plus endurant l’emporte.
Alors on va se le dire mon chum, si t’as pas pris un petit repos depuis 6 ans, question de te replacer les bobettes et d’attacher tes souliers en buvant une gorgée d’eau, je suis pas mal convaincu qu’on ne se croisera pas à la ligne d’arrivée, parce que tu risques fort de ne pas t’y rendre.
Tu vas devenir irritable, toxique, tu vas en vouloir à tes clients et tes employés sans raison, tu vas revenir à la maison et rejeter toute cette tension sur ta famille et au final ton travail acharné te mènera à une baisse de performance globale “inexplicable”. « C’est à ne rien y comprendre ! t’exclameras-tu, je travaille tellement !! »
On m’a un jour partagé une analogie fort intéressante qui résonne particulièrement à mon esprit en écrivant ces quelques lignes :
Il était une fois deux bûcherons qui arrivent à la terre à bois un matin armé de leur courage et de leur hache.
Le premier travaille sans relâche du matin au soir, avec la faim au ventre et les vêtements en sueur. Il est très étonné de voir son homologue qui, à toutes les 2 heures, prend une pause tandis que lui, il bûche, il bûche et il bûche.
À la fin de la journée, il est encore plus étonné de voir que l’autre bûcheron a coupé plus de bois que lui. Ébahi, il lui demande : « Bin voyons Serge ! T’as pas arrêté de prendre des breaks pis t’as coupé plus de bois que moé. Comment ça ? »
« Facile, lui répond Serge. Chaque fois que je prenais une pause pour me reposer, j’en profitais pour aiguiser ma hache. »
Le gagnant : pas celui qui travaille le plus, mais celui qui travaille le mieux.
Je plaide coupable : moi aussi j’ai passé des nuits blanches à l’université à rédiger des travaux de fin de session bin high sur la caféine et les jujubes. C’est vrai, dans certains cas, on n’a pas le choix. On doit se retrousser les manches et accumuler le travail nocturne pour rencontrer les échéanciers. Là où on a un problème, c’est si ce travail de nuit (et le sommeil manquant qui y est associé) n’est jamais récupéré.
« Non non, j’suis correct. » est probablement le pire mensonge que l’on peut conter à son employeur (et à soi-même). Parce que oui, t’es correct maintenant, mais dans 3 semaines, quand on aura le plus besoin de toi et une urgence à régler, t’en n’auras plus de jus. Pis si t’en as encore, c’est que t’auras pressé le citron encore plus… jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de citron, mais juste une vieille pelure brune.
On estime que, d’ici 2020, la dépression se classera au deuxième rang des principales causes d’incapacité à l’échelle mondiale, juste derrière les maladies cardiaques. *
On estime que, d’ici 2020, la dépression se classera au deuxième rang des principales causes d’incapacité à l’échelle mondiale, juste derrière les maladies cardiaques. *
Parce que moi et l’épuisement professionnel, on a flirté. Ce sont mes associés, de connivence avec ma conjointe, qui m’ont fortement poussé à prendre des vacances.
J’étais toujours fatigué, mais surtout de plus en plus mal organisé, en retard sur mes suivi-clients et en christ après environ 120 % des gens qui existent sur Terre. Le pire ? Mon attitude toxique commençait lentement à contaminer mes collègues.
Pis j’vais te le dire juste à toi, y’a même un soir où j’ai dis en pleurant à ma blonde que j’allais tout lâcher, que je n’étais pas assez fort pour passer à travers.
Passer à travers quoi ?
T’es ton propre patron gars. T’as les mains sur le volant d’une organisation reconnue par le Ministère de la famille pour ses mesures de conciliation travail-famille. Tu vantes dans chaque publication Facebook que vous offrez un milieu de vie professionnel d’exception.
« Oui, mais y’a ci, y’a ça, y’a lui, y’a elle, y’a 12 000 raisons toutes plus valables les unes que les autres pour que je reste enchaîné à mon bureau à accumuler les heures supplémentaires. »
Pis il y a trois semaines, ça m’a frappé comme un bourdon dans l’windshield sur l’autoroute : j’étais la seule personne qui m’empêchait de prendre des vacances.
J’ai donc pris 5 jours de congé à jouer à Dungeon&Dragons avec mes potes, à profiter de la Rivière St-Maurice avec ma famille et à apprécier les terrasses du ShawiLove avec ma conjointe.
Pis le lundi d’après, je suis revenu au bureau.
Personne ne m’avait jugé. Personne ne m’avait traité de lâche.
Juste 5 jours qui m’ont redonné mon calme, une vision claire, une meilleure gestion de mes priorités et qui ont ramené le compteur de la tension pas loin du zéro.
Du stress, y’en aura tout le temps.
Par contre, y’a des fois où on doit avoir l’intelligence de se protéger soi-même et son organisation puis prendre du recul.
Alors à toi mon ami entrepreneur qui ne s’est pas reposé depuis 6 ans, je te promets ceci : la forêt sera encore là à ton retour. Tu peux prendre le temps d’aiguiser ta hache.